Repéré par Thomas Burgel sur Bloomberg

«C’est effrayant. C’est une source majeure d’inquiétude. Une dont l’industrie doit s’emparer à bras-le-corps.» Ainsi s’exprime auprès de Bloomberg Malcolm Brenner, ex-enquêteur des comportements humains pour le Conseil national de la sécurité des transports américain, à propos des suicides en vol de pilotes de ligne qui, souvent, se transforment en meurtres de masse.
Car les chiffres interrogent. Voler n’a jamais été aussi sûr. Selon des données rapportées par le média américain, 5.005 personnes ont trouvé la mort sur des avions de construction occidentale entre 2001 et 2010, un chiffre tombant à 1.858 la décennie suivante.
Chacune de ces victimes est bien sûr une victime de trop, mais c’est à mettre en rapport avec les 1,35 million de décès survenant chaque année sur les routes du monde –un passager aérien a moins d’une chance sur 10 millions d’avoir un pépin mortel.
Il est en revanche un chiffre qui ne baisse pas et, au contraire, augmente: celui des victimes de crashs aériens impliquant des pilotes suicidaires utilisant leur aéronef –et ses passagers– pour leur terrible ultime geste.
Le timing de la publication de l’article de Bloomberg ne doit rien au hasard: si les conclusions officielles n’ont pas encore été rendues, tout semble indiquer que le crash dans le sud de la Chine d’un avion de la China Eastern en mai dernier, qui a fait 131 morts, a été provoqué par le pilote du Boeing 737 a priori hors de cause.
Si un acte intentionnel et a priori suicidaire était confirmé, écrit Bloomberg, cela ferait le quatrième événement du genre depuis 2013, avec un total de 554 morts. D’après le média américain, ces «suicides-homicides» aériens seraient ainsi devenus ces dernières années la seconde cause de mortalité dans les avions de ligne du monde entier.
Le crash de l’avion de la China Eastern rappelle celui du vol 4U9525 de la Germanwings copiloté par Andreas Lubitz qui, le 24 mars 2015, avait précipité son avion contre les Alpes française, tuant ses 150 passagers et membres d’équipage. Ou celui du vol 990 d’EgyptAir, dont le plongeon dans l’Atlantique a là aussi été provoqué par le «suicide-homicide» de son pilote, tuant les 217 personnes à bord.
Pour les compagnies, la question est terriblement épineuse. Depuis le crash de l’avion de la Germanwings, elles ont pour la plupart étendu leurs protocoles de suivi psychologique des pilotes, bien que certaines aient encore des progrès à faire en matière de sécurité.
Selon une enquête menée auprès des pilotes et rapportée par Bloomberg, entre 4 et 8% d’entre eux auraient déjà eu des idées suicidaires. Malheureusement, s’il est extrêmement rare, le passage à l’acte de ces derniers reste souvent imprévisible, et les pilotes redoutent de rapporter des états dépressifs à leurs compagnies, de peur de perdre leur emploi.
De surcroît, comme le note Bloomberg, la nature taboue de la question du suicide fait peser un voile lourd sur la pratique. L’énigme du vol 370 de la Malaysian Airlines pourrait s’expliquer par la volonté suicidaire de l’un des pilotes ou copilotes de l’aéronef, mais le rapport du gouvernement malaisien n’offre aucune réponse à cette question pourtant importante.
D’autre solutions sont pensées. Les actions réalisables par un pilote pourraient par exemple être limitées dans les cas extrêmes, comme un piqué vertigineux et illogique. Mais, outre des adaptations complexes des logiciels des aéronefs, cela nécessiterait des bouleversements profonds de la philosophie du vol, qui offre à la personne aux commandes un strict pouvoir de décision sur ce qui doit être fait.
L’obligation de multiplicité des pilotes dans le cockpit n’a pas empêché le crash de la China Eastern, et les modifications faites à l’accès aux commandes, réclamées après l’accident de l’avion de la Germanwings, peuvent poser de nouveaux problèmes de sécurité.
Pour le moment, explique Bloomberg, la seule solution envisageable est d’amplifier encore l’attention donnée par les compagnies à la surveillance et au soin apportés à la santé mentale de leurs pilotes.
La kotiidienne
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